[intrigue] Bal de Noël

24 Décembre 1865

L'excitation était palpable, elle allait toucher son apogée dans quelques heures. Venise était en effervescence. La nuit était tombée mais le ciel était orangé, éclairé par les centaines de lumière de la cité. Les bords du Grand Canal étaient illuminés de milliers de chandelles rouges et ors, les arbres soutenaient de lourde boules brillantes et des bougies flottaient dans les eaux sombres, montrant le chemin aux gondoles qui traversait la ville.
Pourtant, les rues étaient presque désertes. Tous les vénitiens étaient chez eux, en train de se préparer pour la soirée à venir. Les femmes serraient leur corsets avec l'aide de femmes de chambres et les hommes faisaient cirer leur chaussures pour qu'elles brillent autant que le pommeau de leur canne. Tous devaient être les plus resplendissants pour le bal de noël donné au palais des Doges par La Reine.

Quelques heures et la fête commencerait.



La musique résonnait dans tout le quartier San Marco. Une foule immense se pressait sur la célèbre place, mélange d'étoffes précieuses brodées de perles, de parfum entêtant, d'éventail et de costume trois pièce. Tout le monde voulait pénétrer dans le palais en premier et la bonne société se bousculait. Ceux qui, après avoir tant attendu et montré leur invitation, entraient dans l'imposant bâtiment n'en croyaient par leurs yeux. Venise, connue pour son faste et sa beauté, s'était parée de ses plus beaux diamant à l'extérieur, mais ce n'était rien en comparaison à la salle de bal du Palais des Doges.
Un orchestre de chambre, jouant les plus beaux morceaux de la musique italienne, trônait au fond de la pièce, entouré de centaines de fleurs blanches dont le parfum embaumait l'air. Une fontaine avait été installée au centre de la salle de bal et les danseurs tournaient harmonieusement autours d'elle. De petits angelots en ornaient le sommet, et le clapotis de l'eau qui s'échappait de leurs arcs brandis accompagnait les mélodies classiques. De grandes tables entièrement blanches, cerclées d'or, croulaient sous les victuailles et les pyramides de verres à champagne.
Les invités étaient éblouis par la beauté de la soirée, mais se distrayaient bien vite en entamant des danses vénitiennes. Ils avaient encore du temps avant minuit, avant que les cloches du Campanile appellent à la messe de minuit puis les libèrent deux heures plus tard pour le repas au Palais. La fête ne faisait que débuter.


[HJ] : Racontez à la suite votre arrivée au Palais ainsi que votre réaction.

Toute cette préparation l'avait exténuée. Il avait fallu choisir les invités, faire le plan de table, choisir les mets du buffet, les fleurs, le répertoire de musique, passer derrière les servantes pour changer de place un bouquet ou déplacer une chaise. En cette période de trouble à Venise, l'une des distractions importantes de l'année devait être parfaite et même si son rang la dispensait de ce genre de corvée, la Reine aimer s'occuper du bal et des petits détails. Mais cette fois, les nerfs déjà à vif, elle s'était épuisée.
Installée dans le sofa de sa chambre, la jeune femme voyait les minutes s'écouler, laissant s'approcher le moment où elle devait se préparer pour la fête et entrer en scène, en premier. Elle allait fermer les paupières pour s'accorder un sommeil de quelques minutes, pour avoir une mine un peu plus fraîche, quand un de ses valets frappa à la porte avant d'entrer. Il lui amenait une lettre rouge sang. Elle savait très bien ce que cela pouvait signifier, et soupira en disant adieu à son repos. C'était un plis de président, directement envoyé des enfers. Les habituelles remontrances sur sa supposée indulgence envers les anges dans son travail de neutralité. Elle recevait les même reproche de Mr.Houston, chacun pensant qu'un camp pouvait toujours être avantager malgré la trêve en vigueur. Encore un fois elle devrait répondre, rassurer son supérieur, et continuer son travail en attendant les prochaines nouvelles.
D'un geste las, elle lança la feuille rouge dans le feu qui crépitait près du sofa et appela sa femme de chambre pour que celle ci l'aide à s'habiller et à se coiffer pour le bal. Il ne leur restait plus beaucoup de temps.

La robe avait été choisi à l'avance, faite exprès pour elle par le meilleur tailleur de la ville qui avait travailler dessus de longues heures de la nuit avec les « petites mains ». C'était une longue robe bustier, donc la traine s'étalait sur un mètre du sol. Elle était pourpre, brodée d'or au niveau de la poitrine du symbole de Venise, le lion ailé, semblant s'envoler pour quitter l'étoffe. Une ceinture également doré lui enserrait la taille ce qui la rendait encore plus fine qu'elle ne l'était déjà. Sa tenue étant assez sobre pour l'occasion, La Reine rajouta une parure d'aigue marine à l'ensemble. La servante lui remonta les cheveux en un chignon distingué dont s'échappaient des mèche de boucles chocolat. Elle y glissa une broche richement décorée avec une gondole d'or, pour s'accorder avec le couleur de la robe. La jeune femme était enfin prête après une longue heure, et on sentait déjà l'agitation sur la place San Marco. Elle allait être en retard si cela continuait. En qualité d'hôte elle se devait de recevoir ses invités à l'entrée, glisser un mot de remerciement et un compliment à chacun. Un valet de chambre lui indiqua qu'elle devait se trouver dans le hall du palais dans moins de minute. Elle prit donc le passage souterrain qui se trouvait dans sa chambre, et apparue très vite dans le hall où un long tapis parsemé de pétales de lis donnait le chemin vers la salle de bal. La Reine se posta juste au début, près de l'entrée, en compagnie de ses dames de compagnies.

Les portes du Palais des Doges s'ouvrirent sur la place, faisant entrer le vent froid et les embruns du Grand Canal. Les invités montrèrent leurs invitations aux valets et se dirigèrent par petits groupe vers La Reine. Elle les salua tous à force de sourire et d'hochement de tête en signe de remerciement d'un compliment sur sa robe et la soirée ou d'une révérence respectueuse. Démons, anges, humains, ils voulaient tous être vu en train d'échanger quelques mots avec la monarque avant d'aller danser sur Vivaldi.

Le dernier démons d'une grande famille de Venise salué, la jeune femme se dirigea à son tour dans la salle de bal. Celle ci révélait parfaitement la vie et le faste de Venise, sa joie et sa richesse. Elle ne pu s'empêcher de sourire fièrement à cette vision. Personne ne dansait encore, tous étaient assis aux tables qui leur étaient assigné. Il était de son rôle, en tant que Reine, d'ouvrir le bal. Donnant sa main à son cavalier, le jeune héritier humain d'une famille de Rome, en visite à Venise, ils entamèrent ensemble une valse rapide, suivit, après quelques tours, par tous les invités.

« La critique est une chose bien commode : on attaque avec un mot, il faut des pages pour se défendre. »
JJ ROUSSEAU

A la fenêtre de ses appartements privés, dans un recoin sombre et peu fréquenté de cette belle ville qu'est Venise, se tenait Liubna, pensive. Elle était visiblement seule… Laissait-elle le doute qu'elle puisse attendre quelqu'un ou tout simplement contemplait-elle le panorama que lui offrait cette chambre ? En tout cas, le silence régnait. Depuis ladite fenêtre, elle semblait observer quelque chose. Quelque chose d'assez mouvementé, il va s'en dire. En effet, depuis cet angle de vue qu'elle avait distinctement choisi elle apercevait d'assez loin le Palais des Doges, du moins son immense entrée. Ce soir-là elle épiait d'un regard profond et tout aussi mystérieux, les arrivées d'invités venus de tous coins afin de participer au bal de Noël passablement prévu & attendu. Une à deux minutes s'étaient à présent écoulées, sans le moindre geste de la part de Liubna. Elle restait immobile, délicatement accoudée à la petite corniche de cette fenêtre ouverte, laissant entrer une légère brise. Son magnifique visage était vide et sans expression mais semblait satisfait de ce spectacle grâce à la projection des lueurs extérieures sur son gracieux visage. Soudain, une jeune domestique se présenta à la porte de la chambre et d'un soupçon de résolution effectua une légère révérence suivie d'une parole afin de s'annoncer :

– Madame, veuillez m'excuser mais il est bientôt l'heure...

La domestique laissa sa voix s'estomper à la vue de sa maîtresse qui venait de détourner son regard de la vue de sa fenêtre. Liubna s'était à présent redressée, puis poursuivit la remarque de sa suivante d'une voix froide mais pondérée :

– Tu as raison… Il est temps, apporte-moi ma tenue et porte ce mot à Belina.

Liubna prit subtilement le petit bout de parchemin afin de lui remettre. Il était disposé sur la table un peu plus loin, à côté d'une enveloppe entrouverte, venant du Palais des Doges. Il s'agissait vraisemblablement de l'invitation au bal auquel Liubna était également conviée. Elle avait prit soin d'annoncer sa participation la veille. Il ne lui manquait plus qu'a attendre le fin moment pour se préparer et s'y rendre accompagnée de son amie de longue date, Belina. La jeune domestique acquiesça, prit hâtivement le bout de papier puis se retira. La minute qui eut suivie, une seconde domestique apporta la somptueuse robe en question. Liubna avait cette fois-ci décidé de prendre une tenue dans les tons beiges irisés. Après son brin de toilette, elle fixa son corset et ses bas à l'aide de sa camériste puis enfila progressivement cette robe dont la taille rendait sa silhouette aussi élégante que fine. Traditionnellement, Liubna aurait pris soin de porter sa coiffe en hauteur, garnie d'un chignon, ornée d'un bijou… Mais ainsi, elle garda à l'esprit ce manque d'originalité et décida de laisser sa sombre chevelure détachée, donnant une belle impression sauvage et souple. Ses cheveux tout de même légèrement attachés sur le devant, afin de laisser apparaître ses boucles d'oreilles. Côté maquillage, elle le chargea assez au niveau des yeux afin d'assombrir son regard pour le rendre intense.

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Une fois prête, elle s'avança d'une allure parfaite devant le grand miroir de la chambre et repris la parole, voyant sa première subséquente revenir :

– Je suis prête. Tu as averti Belina ?

La jeune femme répondit timidement :

– Heumm… oui Madame. Elle est également prête et vous attend.

A la suite de cette réponse, Liubna prit précipitamment son châle en satin beige puis descendit les marches de l'escalier principal. Il semblerait qu'elle soit un tantinet en retard… Une fois sortie au dehors, elle vit Belina puis lui afficha un délicieux sourire, laissant entrevoir sa mâchoire parfaite. Elles étaient ainsi réunies, toutes les deux, pour une nuit de folies. Chacune était venue seule, pour se tenir compagnie. A vrai dire chacun aurait pensé que Liubna aurait été accompagnée de son tendre fiancé James. Mais par un malheureux imprévu, il avait du repartir en Russie pour quelques jours. Liubna se retrouvait donc avec son cher double féminin, Belina. Elle en était extrêmement ravie. Elles partirent donc toutes les deux sous les arcades qui mènent au palais.

***

Arrivées dans l'admirable Palais des Doges, elles virent la Reine accueillant les derniers invités. Liubna et Belina se regardèrent alors dans les yeux puis laissèrent échapper de nouveau un petit sourire espiègle à une pensée qu'elles eurent toutes les deux à cet instant. Il est vrai que dire de l'humour d'un démon qu'il reste toujours subtil voire arrogant…est parfois juste. Elles s'approchèrent donc de la Reine puis commencèrent à parler :

– Bonsoir Majesté, vous êtes… ravissante. Nous avons toutes deux hâte de pleinement profiter de cette soirée !

Cette phrase ayant très bien été comprise par ces deux dernières, elles lui tirèrent une rapide révérence puis partirent s'installer dans la salle de bal. Nombreux regards d'admiration et de convoitise se portèrent sur elles à leur passage par la porte de la pièce. Un court instant après qu'elles ne se soient assises et que les discutions de tous aient commencées, les lumières s'atténuèrent laissant place à la danse. La Reine ouvrit le bal avec son cavalier, puis suivirent deux ou trois couples, et toute la salle dansa en harmonie avec la musique. Seul Belina & Liubna étaient restées auprès de la fontaine à discuter tout en observant le bal prendre forme… Allez savoir ce qu'elles projetaient d'y faire à ce bal !

Tandis qu'elle tournait en harmonie avec son cavalier, La Reine repensa à l'arrivée de Belina et Liubna. Ces deux jeunes femmes, qu'elle appréciait séparément, étaient de vraies vipères lorsqu'elle se réunissaient pour former un duo moqueur et orgueilleux. Elle avait bien remarqué la pointe d'ironie dans leur compliment sur sa tenue mais cela ne l'atteignait pas du tout. Le venin des deux femmes lui passait au dessus et elle ne s'arrêtait pas à leur opinion. Il était également flagrant qu'en arrivant les deux démones avaient du se sentir admirer et centre de toutes les attentions. Cela fit sourire la jeune femme. Belina et Liubna étaient le plus souvent critiqué par le gotha Vénitien. Peu de personne aimait qu'on rit d'eux. Cela n'empêchait pas qu'elles avaient leur entrée partout et que personne ne se serait permit de leur dire en face ce qui se chuchotait. La monarque les trouvaient désagréables et parfois aurait aimé se passer de leur compagnie, mais elle devait avouer qu'elle leur trouvait une certaine attirance. Un charme qui ne lui permettait pas de les détester.

Ceci dit, quand un serveur apporta un verre d'alcool pur à La Reine de la part de Belina, elle regarda celle ci d'un air interrogateur. Il n'était pas dans ses habitudes d'offrir quoi que ce soit à qui que ce soit. Elle fut un instant méfiante, mais voyant que le liquide brulant du verre de Belina avait déjà disparu dans sa gorge, elle l'imita et lui adressa un sourire poli. Le cocktail n'avait pas le goût que les serveurs lui donnait d'habitude, mais il y avait une petite touche sucrée qui ne gâchait rien à l'effet de l'alcool. Il déversa une impression de chaleur au niveau du torse pendant plusieurs minutes à La Reine, jusqu'à ce qu'elle ouvre le bal.

Le changement de musique la fit sortir de ses pensée. La main de son cavalier quitta sa taille et il se détacha d'elle. Après une révérence respectueuse il alla inviter une autre demoiselle vénitienne à danser. Il était normal que La Reine danse avec tout les gentilshommes du bal, mais pour l'instant elle avait très chaud. D'habitude il lui fallait beaucoup plus qu'un verre pour ressentir ne serait ce qu'un petit étourdissement dû à l'alcool, mais cette fois ci elle ne se sentait pas très bien. Son cœur battait plus vite et la pièce semblait irradier de chaleur. La jeune femme se dirigea vers la fontaine, au centre de la salle de bal, et plongeât sa main dans l'eau glacé pour en verser quelques gouttes sur sa nuque. Assez pour la rafraichir sans que cela ne se voit ou tache sa robe. Elle allait repartir vers la piste de danse rejoindre un quelconque cavalier quand un homme s'approcha d'elle et lui fit la révérence.

Elle ne se souvenait pas l'avoir déjà vu, ni avoir entendu parlé de quelqu'un répondant à son physique. Cependant elle accepta avec un sourire l'invitation à danser et sans dire un mot lui tendit la main. Ils s'élancèrent ensemble sur la piste de danse, au milieu des autres couples du bal. La Reine pu alors mieux observer l'homme qui la faisait virevolter, la promiscuité aidant.
Son teint pâle, sa physionomie, mais surtout l'aura étrange qu'il dégageait ne la trompa plus longtemps. C'était un ange. Un démon et une créature de Mr.Houston dansant ensemble, une image plutôt rare et qui en aurait fait rire beaucoup.
Elle ouvrit enfin la bouche, faisant entendre pour la première fois sa voix à l'inconnu.

« Je ne me souviens pas vous avoir déjà vu par ici. Si la question ne vous parait pas déplacée, qui êtes vous? »

Pour la première fois depuis le début de la soirée, la jeune femme afficha un vrai sourire. Pas un d'apparat et de politesse, mais un sourire sincère de curiosité.