In my Room. [La Reine]

La Reine observait le Grand Canal par la fenêtre de ses appartements. Le jour se levait lentement et le ciel passait doucement du violet au rose. On voyait à peine le soleil, caché par les nuages bas qui recouvrait la ville. Les fines gouttes d'eau qui tombait des cieux créaient des cercles dans l'eau verdâtre du canal. La Reine regardait la décors d'un oeil vide, détaché. Sa tête était occupée par bien trop d'autre penser pour prêter attention à la cité qui l'avait vu naitre et qu'elle voyait depuis plus de cent ans. Une nuit de plus où elle n'avait pas dormi, une nuit de plus à ne pas défaire ses draps et à s'assoir dans le fauteuil français qui se trouvait près de la cheminé de sa chambre, une nuit de plus à regarder le feu crépiter de sa couleur d'or en imaginant ce qu'il se passe dehors, dans les rues sombres et humides de Venise. Son visage n'avait donné aucune marque de fatigue pendant ces trois jours d'insomnies, mais ce matin là il affichait des cernes violet et La Reine avait les traits tirés. Même un visage de démons ne résiste pas à plus de 90h sans sommeil. Mais il y avait tant de choses à régler, tant de choses à faire disparaître.

La cité vivait sous la paix, mais des démons du même sang qu'elle agonisaient, tués dans des ruelles. Elle était responsable et le savait. Pourtant elle avait toujours été assez sûre d'elle, de ses compétences, mais maintenant elle se sentait complètement dépassée. Avoir des conseillers avait été un affront au fond d'elle. La jeune femme ne pouvais elle pas régler la crise elle même? Et puis finalement elle avait regardé la vérité en face, chose difficile. Et voilà qu'elle ne trouvait plus le sommeil salvateur, où quand elle sombrait elle imaginait le Palais des Doges en flammes laissant échapper les cris de souffrance de ses occupants et elle lui faisant front, regardant les dégâts une torche à la main. Le songe n'était pas très dur à analyser et elle n'avait aucune envie de le refaire.

Un marchant cria sur sa péniche pour attirer les clients en bateau et la tira de ses pensées. Les charmes de Venise ne pouvaient être entachés par un peu de sang coulé. La Reine se ressaisit et fit appeler sa femme de chambre. Elle fit sa toilette et enfila une robe bustier émeraude avec l'aide de sa servante. Le corset bien serrer faisait ressortir sa poitrine et affinait sa taille. Ce n'était pas du plus grand confort mais elle se sentait toujours mieux que négliger en robe de chambre. Elle releva ses cheveux ondulés dans un chignon au fouillis artistique agrémenter de perles. Il était temps de sortir de cette chambre et de faire face à ses responsabilité de Reine.

Les couloirs du Palais des Doges, richement décoré et sentant bon la fleur d'orangé de son enfance, étaient complètement désert. Il était bien tôt et même si la plupart du personnel et des habitants du Palais était éveillé, ils se préparaient encore avant de se montrer. La Reine aimait se calme si rare, souvent bafoué par des chuchotis ou des clappements bruyant de talonnettes. Elle pouvait alors vraiment savourer sa demeure qui ne l'était plus vraiment ces temps ci, envahie par de nouveaux locataires, parfois elle avait l'impression qu'on rentrait dans son intimité. Heureusement que ses appartements étaient fermement gardés et que personne ne pouvait y entrer sans un mot signer de sa part et avec son cachet. La jeune femme passa sa main sur les boiseries en relief des murs tout en marchant sans but précis. Il faudrait bientôt qu'elle rejoigne la salle du conseil, qu'elle revienne sur cette question épineuse, qu'elle aide sa ville, ses semblables. Mais pour l'instant elle n'était qu'une femme comme les autres.

Soudain ses doigts quittèrent le mur, ils venaient d'entrer en contact avec une porte entrouverte. Elle la poussa doucement, et celle ci s'ouvrit entièrement dans un grincement sonore. La Reine ne savait pas trop où elle se trouvait dans le Palais, ne regardant pas où elle allait. Elle se retrouva nez à nez avec une de ses conseillères, Tatiana, qui venait apparemment de finir de se préparer. La Reine se sentait un peu bête de débarquer comme ça dans des appartements privés, alors qu'elle n'aurait pas du tout apprécier qu'on lui fasse. Mais ne faillant pas à sa réputation, elle ne montra rien et se contenta d'un petit sourire désolé.



La Reine ne voulait pas s'imposer, mais elle n'avait pas encore pu discuter avec sa nouvelle conseillère hors des réunions et c'était pour elle l'occasion d'en savoir plus sur l'Ange. Malgré son rôle neutre, elle ne voulait pas s'entourer de n'importe qui et même si elle avait elle même choisi Tatiana, elle voulait être sûre de ne pas s'être trompée.

La Reine jeta un coup d'oeil circulaire à la pièce. La luminosité y était douce, la pièce était pourtant entièrement ouverte sur l'extérieur avec ses nombreuses portes fenêtres mais le ciel gris donner à Venise un air triste et sombre. Les meubles ressemblaient à la plupart du mobilier du Palais, des fauteuils et canapés moelleux, du style renaissance, un petit secrétaire en acajou où s'empilaient des papiers administratifs, un grand lit à baldaquin aux teintures bleues ciel et par terre un gigantesque tapis persan. C'était un bel endroit, mais qui n'avait d'exceptionnel face à toutes les autres chambres. Seule la vue sur les Palais en face du Palais des Doges rendait à ce lieu un coté un peu plus majestueux.
La jeune femme adressa un sourire poli à la révérence que lui faisait Tatiana. On l'avait donc mise au courant du protocole. Elle en avait au début douté, ayant entendu beaucoup de chose sur le caractère particulier de l'ange.



Elle ne répondit pas tout de suite, faisant quelques pas vers la fenêtre centrale. Elle savait très bien qu'elle s'imposait à Tatiana, que celle ci n'avait pas le droit de lui dire de partir et que ce ne serait qu'à elle de décider quand cela arriverait. Mais il ne fallait pas laisser passer l'occasion de mieux connaître sa conseillère. Tout en observant la servante amener un plateau de thé sur le petit guéridon, près de deux fauteuil, elle jouait pensivement avec sa bague de famille. La Raine accepta avec un signe de tête et un léger sourire la tasse qu'on lui proposait et s'assit sur un des fauteuil, indiquant à l'ange d'en faire de même. Elle était consciente qu'il ne fallait pas laisser le silence s'installer trop longtemps. Cela était possible si c'était elle qui avait invité Tatiana dans ces appartements, mais comme elle s'imposait, elle se devait d'être un peu moins taciturne.

« Ne vous en faites pas, vous pouvez rester ici tant que cela vous plaira. Savez vous que Mr.Houston m'a parlé de vous en très bon terme? Je suis sûre que notre coopération pourra nous aider à tout régler au plus vite. Comment trouvez vous Venise? »

La Reine ne voulait pas tout de suite entrer dans le vif du sujet. Elle connaissait déjà les capacités de Tatiana, mais c'était son caractère si particulier qui l'intriguait. Ce mélange d'ange et d'humain. C'était courant chez les jeunes anges qui n'avait pas encore complètement quitté leur vie passée, leur vie vivante. Mais la femme qui se trouvait devant elle avait quatre fois son age! Cela faisait longtemps qu'elle aurait du passer cette période. En même temps elle la trouvait mystérieuse, mais aussi dangereuse. Elle n'avait pu s'empêcher de penser que ce coté humain avait pu entacher la tolérance de son coté ange et que, pourquoi pas, elle était l'auteur des meurtres de démons de Venise. C'était une hypothèse un peu folle, mais comme ces crimes étaient parfaits, ne laissant aucun indices, elle avait eu un petit doute. Mais Mr.Houston, par ses propos élogieux l'avait lavée de tout soupçon.

Avant même qu'elle ait pu reprendre la parole, des bruits de course se firent entendre dans le couloir et s'arrêtèrent devant la porte de la chambre. La Reine qui était dos à l'entrée dut complètement se tourner sur son fauteuil pour voir qui venait de pénétrer dans la pièce. Lucas Falcone, un de ces si précieux conseillers, et surtout charmeur de tout le sexe féminin, s'imposait dans leur petite Tea Party. Elle sentit le rouge lui monter au yeux mais se contint immédiatement.
Elle se leva pour le saluer d'un petit hochement de tête respectueux.